S'il est avéré que les premiers textiles apparaissent il y a 35.000 ans, l'expression « Art Textile» est récente (seconde moitié du XXème S.). Elle s'était définie, d'abord, par rapport à la tapisserie. En 1962, à Lausanne, s'ouvrait la 1ère Biennale de la Tapisserie (haute et basse lisse). Progressivement, elle s'est ouverte à la broderie, !'appliqué (patchwork), la mise en œuvre de fibres, fils et tissus, enfin le tricot, le crochet et les filets.
Après les bouleversements picturaux (peinture, sculpture) au début du XXème, quelque 60 années plus tard, le travail de la fibre était révolutionné. Il fallait mettre de la distance avec la peinture. On travaillait toutes sortes de matières, modifiait l'usage des outils traditionnels et en utilisait d'autres. L'expression se libérait, mettant en avant la souplesse de la fibre, ses capacités sculpturales, sa légèreté … L'œuvre produite pouvait quitter les murs, se tendre, se plisser, se plier, prendre toutes formes … et même voler.
Les femmes, généralement écartées des travaux de la tapisserie, assuraient une production textile domestique ou artisanale. Dans les années 1960/1970 (Annette Messager, Niki de Saint Phalle … ), elles s'emparent des travaux d'aiguille, broderie … , revendiquant leur statut d'artistes femmes. Le médium est devenu ART.
Nous vous proposons de rencontrer les œuvres de l'une d'entre elles, Eva Oemarelatrous, qui fait usage de cet art, parmi d'autres formes d'expression.
Le joli monde d'Eva est bariolé de couleurs vives; le joli monde d'Eva est truculent et elle nous entraîne à sa suite dans le tourbillon de sa vie. Son pays natal, l'Allemagne, La France pays d'adoption, l'Algérie, la France à nouveau, pour nous arrêter enfin, essoufflés, dans le Sud Vendée.
D'un dynamisme et d'un optimisme ardent, Eva nous fait traverser une large tranche d'Histoire, son histoire, pressée qu'elle est de poursuivre et continuer, infatigable, à coudre et recoudre le présent. « J'ai dû naître avec un fil entre mes mains » . L'histoire qu'elle brode est bosselée, parfois déchirée. Peu importe : on colle, on ravaude, on quilte, on tresse, on tricotine. On écrit des messages existentiels car l'artiste a plein de choses à nous dire de ses engagements !
Plasticienne du textile, collectionneuse, Eva Demarelatrous est aussi artiste peintre, graveuse et bricoleuse. Son oeuvre s'inscrit entre Niki de Saint Phalle et Annette Messager.
Née Eva Watzke à Kiel, port industriel sur la mer Baltique, peu avant la 2nde guerre mondiale, que peut conserver des images ou bruits d'alors une enfant de presque 7 ans ?
A 19 ans, elle entre aux Beaux Arts de Düsseldorf et découvre l'expressionnisme d'Emil Nolde et le mouvement " Die Brücke " (" Le Pont ") – art dégénéré pour les nazis. Le traumatisme moral de la guerre s'estompant, il se transforme peu à peu en une contrition : Pourquoi avons nous fait ça ?
Tout à coup, le masque se retourne et apparaît une autre femme, moins extravertie ; celle de l'intime, des sentiments cachés, trop personnels. Le médium change aussi. Eva, perfectionniste, se remet aux études après une longue parenthèse vouée à sa famille qu'elle chérit autant que son art. Gravure, typographie… Superbes linogravures expressionnistes, on entre dans l'univers secret d'Eva qui rit,
d'Eva qui pleure, qui se raconte et, par sororité, raconte LA FEMME ; comme un vaste autoportrait aux mille facettes et,
comprenne qui pourra…